Pourquoi mettre en scène des adolescents et des adultes?
À l’automne 2011, j’étais avec la compagnie L’eau du bain en résidence de création à Mains d’œuvres, en banlieue parisienne. Je travaillais avec cinq acteurs professionnels dans une démarche de jeu performatif. À partir de consignes précises, je les amenais à construire l’événement théâtral à partir de ce qu’ils étaient. À la volonté d’interpréter un personnage, se substituait le défi de mettre en avant de façon poétique des parties d’eux connues ou inconnues.
Parallèlement à ce travail de création, on m’a proposé de donner des ateliers à un groupe d’adolescents. J’ai eu envie de travailler avec eux de la même façon, en adaptant très légèrement les exercices afin de me rapprocher de leur énergie et de leurs préoccupations. J’ai été subjuguée par ce qu’ils proposaient. Je retrouvais chez eux, par certains moments, l’état de présence que je recherchais avec les acteurs professionnels : une présence brute sur le plateau. Je me suis dit qu’ils pourraient en apprendre beaucoup aux acteurs professionnels sur la mise en danger, le dévoilement, l’investissement… Réciproquement, l’expérience (professionnelle comme personnelle) des acteurs pourrait profiter aux adolescents. De cette envie de réunir des adolescents et des acteurs professionnels sur un même plateau et de les traiter sur un pied d’égalité est né le projet Impatience.
Je me souviens qu’avec mes amis, adolescents, nous voulions avoir les mêmes droits que les adultes, nous cherchions à acquérir une indépendance qu’on nous accordait au compte-goutte. Nous voulions que ça aille vite : s’aimer vite, changer vite, vieillir vite… Le terme “impatience” contient une force positive et négative. On est impatient quand on désire très fort quelque chose. L’impatience mène aussi parfois à la colère, à la violence ou au découragement. Ça dénote surtout une forte pulsion de vie, pas toujours bien canaliser, mais extrêmement puissante. Un peu comme ça se passe souvent à l’adolescence. On veut vivre à fond, mais on ne se sait pas toujours comment. Et, plusieurs règles semblent nous en empêcher. C’est cette énergie brute et cette pulsion de vie que nous voulons faire ressortir.
Anne-Marie Ouellet Metteure en scène