Comment l’individu peut-il trouver son essence dans un monde qui, en se tournant justement vers l’individu, semble perdre son sens? Comment le théâtre peut-il aujourd’hui réunir les individus et les amener à interroger ensemble leur rapport au monde?
Pour susciter un questionnement, il nous est apparu qu’il était plus efficace d’ouvrir un espace dialogique avec le spectateur plutôt que de lui exposer des idées, une vision du monde. Nous avons donc choisi d’utiliser une forme théâtrale éclatée qui privilégie la discontinuité, le désordre et les trous dans le récit. En présentant des fragments plutôt qu’une œuvre uniforme et univoque, nous voulons permettre au spectateur de participer activement à un questionnement sur son rapport au monde. Dispersant du sens, le théâtre manifeste plus qu’il ne signifie, il laisse le spectateur plus libre dans sa réception. Ce dernier, avide de signification, doit tisser des cercles de référence et participer à la création du sens.
Pour interroger la société, au lieu de la question « Pourquoi? », nous avons posé « À la suite de quoi? ». Nous nous sommes donc intéressés à l’univers intime d’une femme qui aurait vécu au Québec au début du XXe siècle, à l’époque où l’on besognait dur et où l’on enfantait sans répit. Nous croyons que pour se demander qui nous sommes et où nous allons il est juste d’observer d’où nous venons, car ceux qui nous ont engendrés continuent d’être présents en nous et de nous influencer de façon étonnante dans nos vie de tous les jours.
Cette recherche a été amorcée, dans le cadre d’une maîtrise à l’École supérieure de théâtre, par Anne-Marie Ouellet qui a écrit un texte ayant plus la forme d’un texte poétique que d’un texte dramatique traditionnel. Dany Lefrançois, metteur en scène, et Martin Gagnon, comédien, se sont joints à l’auteure, qui se transformait alors en comédienne, pour mener une exploration corporelle et visuelle. Il en est résulté des scènes où le corps et les images dialoguaient avec le texte sans jamais tenter de l’illustrer. Le texte a ensuite été retravaillé pour accompagner les trouvailles nées du plateau. Parallèlement, les concepteurs ont mené une recherche sur la fragmentation et ont créé, dans leur champs artistique respectif, une œuvre à partir du texte. Les différentes créations se sont ensuite rencontrées pour s’imbriquer les unes dans les autres sans perdre leur autonomie. Dans ce spectacle, l’espace, les objets, la lumière et le son prennent la parole, à leur façon et autant que les mots eux-même.
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