Des dispositifs médiatiques, conçus par Thomas Sinou, permettent de manipuler le son grâce à des capteurs dispersés sur la scène. Les acteurs-performeurs déclenchent, triturent et spatialisent le matériau sonore. Des règles sont établies pour dialoguer avec l’environnement sonore de manière à faire répondre (au sens large) le texte en fonction des sons suscités. De nombreux schémas de représentations sont possibles. L’environnement sonore est fait de musique, de sons concrets et de voix, vestiges d’une autre époque. La musique allie sons naturels, rock minimaliste et brut à une ambiance électro-industrielle. L’installation permet aussi de traiter en direct les voix des acteurs-performeurs.
Ce dispositif, avec sa part d’imprévu, demande aux acteurs-performeurs d’être constamment aux aguets. En ce sens, nous privilégions un jeu d’acteur ouvert, n’enfermant pas, par une interprétation psychologique, le texte dans une univocité. Les acteurs-performeurs n’incarnent pas des entités psychologiques, mais offrent leur corps, leur présence, leur voix momentanément aux personnages. Acteurs, ils livrent un texte qu’ils ont appris. Performeurs, ils posent des actes concrets sur scène : manipulent le son, font des pompes, lavent le plancher, courent, mangent des fruits, sans préméditation. Ils sont avant tout des artistes dans un espace concret qu’ils explorent en donnant vie à des mots, des sons et des images.
Écrit par Anne-Marie Ouellet, le texte privilégie les répliques qui ne se répondent pas, les monologues qui s’enchevêtrent, les dialogues de sourds. Il bouscule le langage en minimisant l’utilisation de la ponctuation. Loin d’une forme théâtrale traditionnelle, il se veut un matériau pouvant servir à faire du théâtre. Il utilise une langue plus près de la poésie, une langue qui produit des sonorités et des images avant du sens, une langue qui se cherche au lieu d’affirmer.
Le titre de la pièce allie le terme « espérance » avec l’acronyme de l’organisation nazie pour interroger l’espoir aujourd’hui. Que peut-on espérer dans un monde où le progrès a produit des désastres tels qu’Auschwitz et Hiroshima, où la surconsommation mène à la destruction de la planète, où l’individualisme isole les individus et menace de les enfermer complètement à l’intérieur d’eux-mêmes? Ce sont les thèmes de l’espoir et du désenchantement que nous voulons questionner par le projet SSpérances. Sans jamais asséner une morale, nous voulons rencontrer le public pour interroger ensemble notre rapport au monde. Le titre fait référence à la Seconde guerre mondiale pour la démesure de sa violence, mais notre objectif n’est pas de raconter l’histoire du nazisme. SSpérances traite de la guerre en général, la guerre continue que l’homme fait subir à l’homme. Il existe les guerres entre des pays, des religions, des gangs, mais il y a aussi les guerres interpersonnelles qui prennent la forme du viol, de l’infanticide, de la violence conjugale ou encore les guerres individuelles, celles de l’autodestruction par la drogue, l’anorexie, certaines formes de folies…
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